Courir de Jean Echenoz, se lit en courant. A toute vitesse. Echenoz a le rythme, le tempo, le souffle. L’histoire d’Emile Z le coureur de fond, est étroitement lié à la grande histoire (comme l’écrivent les critiques littéraires sérieux). Et puis, Echenoz, c’est vraiment le Roi de la métaphore. A ce propos, je vous copie un court et savoureux extrait d’une conférence donné par Jorge Luis Borges à l’Université de Harvard, sur la métaphore, justement.
« Puisque le sujet de notre entretien d’aujourd’hui est la métaphore, commençons par une métaphore. Cette première des nombreuses métaphores que je vais vous citer nous vient de l’Extrême-Orient, de la Chine. Les Chinois, si je ne me trompe, ont une expression pour désigner le monde : ils parlent des « dix mille choses » ou encore-au gré du traducteur- « des dix mille êtres ». Rien ne s’oppose à ce que nous acceptions cette estimation modeste. Il y a certainement plus de dix mille fourmis, de dix mille hommes, de dix mille espoirs, ou craintes, ou cauchemars. Mais si nous acceptons le chiffre de dix mille, et si nous nous souvenons que toute métaphore repose sur la mise en rapport de deux choses différentes, nous pourrions, si le temps nous en était donné, arriver par le calcul à un total presque inimaginable de métaphores possibles. J’ai oublié mon arithmétique, mais je crois que ce total s’obtiendrait en multipliant 10000 par 9999, puis par 9998 et ainsi de suite. Bien sûr la somme des combinaisons possibles n’est pas infinie mais elle a de quoi nous ahurir. »
J’ai maintenant épuisé la douzaine de ses romans que compte la bibliothèque du centre culturel du Caire. Bonne occasion pour reprendre un peu mon souffle en attendant les prochains.
La vie n’est pas une punition de Pascal Dessaint, se lit avec grande difficulté. Il faut sans cesse reprendre l’ouvrage sur la table de nuit, pour le reposer seulement quelques pages plus loin. Les bons sentiments de son personnage principal sont gauches puérils et épuisants. Enfin, lorsque l’intrigue se dessine à la page 213, on peut éteindre la lumière. Sur la quatrième de couverture, un autre critique sérieux compare le héros de Dessaint au Michel Poiccard d’A bout de souffle. A bout de souffle, oui, il a raison.
La nuit des grands chiens maladesde A.D.G, est beaucoup plus « sérieux » que la pantalonnade filmée par Lautner, je crois. Il s’agit d’un 1275 âmes, version Pays de Loire, frais et léger comme le Gamay. Même si je préfère (et de très loin) les Coteaux du Layon ou les Quarts de Chaume, plus moelleux et plus longs en bouche, ce petit tour au bistrot reste agréable.
Le soleil des mourants de Jean-Claude Izzo, n’est pas très éloigné lui aussi de cette narration 1275. Le propos est ici beaucoup plus grave (l’univers des sans-logis) et ponctué d’une poésie rare. Le vrai paradoxe c’est bien que ce roman, classé dans la catégorie des non-polars est un vrai roman noir, avec une vraie intrigue et des personnages d’une force émotionnelle assez proche de ceux de James Cain, par exemple. Même si le trop rigoureux et systématique classement qui consiste à coller les bons d’un côté et les méchants de l’autre agace quelque peu, Izzo nous enchante. Et, avec un sujet pareil, la performance a de quoi étonner. J’ose écrire que la deuxième partie, se déroulant entièrement à Marseille, est aussi dense et poétique que les quelques chapitres que Blaise Cendras à consacré à cette ville dans un roman dont je ne me rappelle plus le titre mais dont vous pouvez lire un extrait sur ce blog. Cherchez…
Julius Marx
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